Le fait que des mensonges soient racontés en politique n’est pas nouveau. Le mensonge du président américain Nixon sur sa prétendue ignorance au sujet de l’effraction menée par ses amis au siège de ses rivaux démocrates ("Watergate") en 1973 lui a coûté son poste. Que le mensonge fasse partie de la stratégie du pouvoir n’est également pas nouveau. Le secrétaire d’État américain Colin Powell avait présenté au Conseil de sécurité de l’ONU une image des armes de destruction massive en Irak qui ne correspondait pas à la réalité, mais qui visait à justifier l’erreur la plus catastrophique de la politique étrangère américaine dans les années 1980, l’invasion américaine de l’Irak.

Les "fausses nouvelles" ("fake news") ne sont donc pas aussi nouvelles que le terme. Mais pendant des décennies, les nouvelles soigneusement conçues par les rédactions des différents médias ont servi de filtre contre les pires mensonges, fausses affirmations et manipulations de la réalité. Cependant, de tels filtres manquent sur Internet. Là, "on peut mentir négligemment et sans retenue" (Herfried Münkler), sans que personne ne contredise, pose des questions ou incite à la prudence. Ainsi, il devient de plus en plus difficile de distinguer la vérité du mensonge, quelque chose qui a été compris pendant des décennies comme une expression du "jugement politique du citoyen" et comme sa "maturité politique".

Ce qui est nouveau, c’est que des organisations d’anciens agents de renseignement américains et israéliens peuvent être embauchées pour des millions de dollars pour produire des fabriques de mensonges de masse afin de déstabiliser et de discréditer systématiquement certaines démocraties fragiles et leurs représentants élus. La production massive de mensonges devient une arme de destruction des démocraties. La "guerre hybride", c’est ainsi que l’appellent les responsables du renseignement allemand.

Au cours de mois de recherche conjointe, 100 journalistes des principaux médias de plus de 20 pays ont identifié ces fabricants de mensonges belliqueux et leur ont même parlé, déguisés en clients intéressés. Ces gens ont ouvertement mentionné des manipulations réussies dans des pays comme le Kenya, le Nigeria ou le Burkina Faso, où d’importantes réserves de matières premières intéressent davantage les oligarques que les démocraties stables. Des chercheurs d’Oxford, au Royaume-Uni, ont constaté qu’en 2020, des campagnes de désinformation à motivation politique ont été signalées dans 81 pays, dont 48 ont été l’objet de manipulations de ces sociétés privées.

Quand trop de gens cessent de faire la distinction entre les faits et les mensonges, il devient plus facile pour les despotes de détruire les démocraties, de répandre des visions du monde dystopiques et de développer leurs petites affaires. Conclusion de l’ancien président Barak Obama: "La désinformation est une menace pour la démocratie."